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Le gémissement des pins

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« Vue du Béarn », la chronique d’Olivier Dartigolles. En Gironde et ailleurs, les feux de forêts sont venus rappeler la réalité du réchauffement climatique et un implacable compte à rebours pour réussir l’indispensable bifurcation écologique. Enfant du Sud-Gironde, j’ai suivi cette actualité avec un mélange de sidération et de colère. En déplacement dans mon ancien lycée à Langon, pour rencontrer les élus locaux et les « forces vives du territoire », Emmanuel Macron a parlé. Que reste-t-il de ses propos ? On retiendra l’hommage aux soldats du feu, à la solidarité entre habitants, aux actions des collectivités publiques et des services de l’État. Et rien d’autre.

On trouvera ailleurs, et notamment dans l’analyse de Patrick Le Hyaric L’ère du feu, le pyrocène, la description des enjeux et des nouveaux chantiers à prendre à bras le corps – et sans plus attendre – pour y répondre. 

Face à ce terrible brasier des terres d’enfance, comment décrire ce que provoque en nous de tels feux gigantesques. L’univers mauracien, celui de « Thérèse Desqueroux » et de « Genitrix , est gravé dans nos mémoires. François Mauriac évoque les incendies des Landes, qu’il observe depuis sa terrasse à Malagar, et « l’haleine brûlante des pins consumés ». Et ce ceci encore : « le gémissement des pins d’Argelousse, la nuit, m’était émouvant que parce qu’on l’eût dit humain ». 

Poursuivons avec la compagnie des livres, bien plus stimulante que ce que nous devons supporter avec les réseaux sociaux ( et en ce moment, c’est vraiment sévère…), avec Peter Wohlleben. Cela aurait été savoureux d’assister à un échange entre l’auteur de « La vie secrète des arbres » et celui du « Noeud de Vipères » ! Sur la manière dont les arbres échangent des informations, les relations qui existent entre eux, notamment par le système racinaire mais pas uniquement. Sur leur capacité d’adaptation et les stratégies de défense pour se protéger les uns les autres. Ainsi, ils peuvent partager des « signaux d’alerte » face à une agression, un danger, sous la forme d’une impulsion électrique, qui se transmet à raison d’un centimètre par minute. Ils ont eu le temps d’échanger quoi les grands pins de Landiras et de la Teste-de-Buch ? Un dernier gémissement ? 

La forêt est un « commun » et ses multiples fonctions, celle de puits de carbone notamment, une richesse essentielle et vitale. La forêt domaniale a besoin d’un grand service public forestier et pour cela il faut définitivement en finir avec le démantèlement de l’ONF. Les propriétaires privés doivent être conseillés et accompagnés. La forêt des Pyrénées-Atlantiques, à 97% composée de feuillus, est au deux tiers privée avec 55 000 propriétaires. Il y a des actions précises et déterminantes à engager pour son avenir (voir l’entretien avec Julie Pargade, ingénieur au Centre régional de la propriété forestière de Nouvelle-Aquitaine, La République des Pyrénées du 23/07).

Reste une évidence : le capitalisme dans sa phase actuelle est le méga-carburant de « l’ère du feu » qu’annoncent de très nombreux scientifiques. L’haleine brûlante est là et nulle part ailleurs. Les bâtisseurs d’alternatives pour l’homme et le vivant, la nature et la biodiversité, sont engagés dans une course contre la montre. Contre la honte. 

Pour que les arbres continuent à se parler.


Image par Igor Makarevich de Pixabay.

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