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Quand les pillards de la distribution ruinent les paysans

Par Gérard Le Puill. Chaque année, de novembre à la fin du mois de février, les entreprises de l’industrie agroalimentaire doivent discuter avec les représentants des grandes enseignes comme Auchan, Carrefour, Casino et Leclerc sur les prix et les volumes de produits qui seront référencés pour douze mois dans les rayons des magasins. Malgré le vote de la loi EGalim en 2018, la pression des grandes surfaces est plus forte que jamais en ce début d’année 2021 pour obtenir des rabais.

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Dans un communiqué en date du 17 février, les syndicats FNSEA et Jeunes Agriculteurs font le constat suivant: « Au lieu d’un prix construit en marche avant à partir des coûts de production agricoles, c’est une déflation en cascade qui s’impose aux  producteurs dans de trop nombreux secteurs». En 2020, les prix payés aux éleveurs de porcs ont baissé de -25,7% sur douze mois. La baisse est de -1,1% pour le lait de vache et elle atteint – 41,5% pour les œufs  de poule.  Mais la tonne de tourteaux de soja importée du Brésil coutait 465 € le 2 février dernier contre 320 € en septembre 2020.

Dans les discussions en cours, les distributeurs ont commencé par exiger de leurs fournisseurs des baisses de prix de 4% sur certains produits. Mais dans les magasins, la hausse moyenne des prix alimentaires a été de +2% en 2020 et le chiffre d’affaire des grandes enseignes a augmenté de +6,3%  durant la même année. 

Dans un communiqué commun daté du 18 février, quatre organisations de l’industrie agroalimentaire dont l’Association nationale des industries alimentaires  (ANIA) et la Coopération agricole dénoncent l’attitude des distributeurs et ajoutent que pour ces derniers « la guerre des prix est encore et toujours la règle. Cette guerre de prix menace directement la souveraineté alimentaire de la France. Elle appauvrit  toute la chaîne : les agriculteurs et les entreprises de l’alimentaire ».

Dans un long entretien accordé à l’hebdomadaire « La France Agricole » du 19 février, Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture, constate que « si on reste dans un fonctionnement qui détruit de la valeur par la guerre des prix, c’est l’ensemble de la chaîne qui sort perdante ». Evitant  de mettre en cause les distributeurs, il ajoute que « ce jeu de dupes, c’est quand la grande distribution dit au producteur ‘’je suis prêt au augmenter le prix d’achat à l’industriel, mais je veux qu’il vous le rétrocède’’  et quand l’industriel dit  au producteur  ‘’j’ai demandé aux distributeurs, mais ils n’ont pas voulu’’ »

Devenu président de la République en mai 2017, Emmanuel Macron avait balisé le parcours du jeu de dupes en déclarant  lors d’un discours prononcé à Rungis le 11 octobre à l’adresse des paysans : « Nous modifierons la loi pour inverser cette construction du prix qui doit pouvoir partir des coûts de production ». Ce président, adepte du « et en même temps»,  ajoutait aussitôt : « Mais cette nouvelle approche ne saurait suffire parce qu’elle ne sera efficace que si les agriculteurs se regroupent véritablement en organisations de producteurs pour peser dans les négociations en tirant profit des possibilités du droit de la concurrence ».

Dire cela aux paysans revient à ne pas voir qu’ils vendent des produits périssables. Qui plus est, ce sont  les transformateurs qui négocient les prix de leurs produits transformés avec les enseignes de la grande distribution. Mais hormis les gros fournisseurs comme Lactalis pour le lait, ou Bigard pour la viande, rares sont les entreprises qui obtiennent des prix d’accès aux linéaires conformes à leurs attentes ; sans forcément verser aux paysans leur juste part de valeur ajoutée pour la production de produits bruts. 

Enfin, dix ans avant de devenir président de la République, le jeune énarque Emmanuel Macron  avait été chargé de rédiger le rapport de la Commission Attali dont s’inspira la Loi de Modernisation Economique (LME) votée par la droite en 2008. En page 152 de ce rapport, Macron écrivait que « la revente à perte n’en en général qu’un prix de connivence entre certains producteurs  et certaines grande surfaces ». Michel-Edouard Leclerc avait promis au président Sarkozy des baisses de prix en magasins à condition de les faire payer par les paysans. Macron avait compris sa mission et il effectua un « travail à façon » !

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Image ElasticComputeFarm/Pixabay.

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