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Pour un droit du vivant

Par Gérard Maisse, Membre de l’Académie d’Agriculture de France, Ancien président du centre de recherche INRA de Rennes Bretagne-Normandie

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« Biens Vivants », un concept juridique pour souligner le rôle d’intérêt général de l’agriculture et de l’agroalimentaire.

En France, comme ailleurs dans le monde, le regard porté par la société sur les systèmes  agricoles et agro-alimentaires a évolué en réaction contre une industrialisation accusée de nombreux maux, particulièrement « malbouffe », atteintes à l’environnement et maltraitance animale. Parfois justifiées, ces critiques nous amènent à réfléchir aux conditions de durabilité de ces systèmes en considérant notamment que l’agriculture produit des êtres vivants et non du « minerai » pour la transformation agroalimentaire. Dans cette perspective, l’approche juridique apparaît complémentaire des approches techniques et socio-économiques classiques. 

Par la loi du 16 février 2015, qui a introduit dans le Code civil l’article 515-14 « Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens », le législateur a fait plus que renforcer la protection des animaux au titre de leur sensibilité, il a introduit dans le Code civil la notion « d’êtres vivants » qui, par définition, regroupe les animaux, les végétaux et les micro-organismes. 

L’agriculture est la principale activité humaine de production d’êtres vivants. Née il y a plus de dix mille ans dans les plaines alluviales du Tigre, de l’Euphrate, du Jourdain et du Nil, dans cette région  baptisée le « Croissant fertile », l’agriculture a joué un rôle fondamental dans le développement de l’humanité en se substituant en grande partie à la cueillette, la chasse et la pêche. Dès le début, l’homme a sélectionné pour son alimentation, sa santé, son habillement et d’autres usages, des animaux, des végétaux et des micro-organismes, terrestres ou aquatiques. Au cours des millénaires, il y a eu domestication d’êtres vivants très divers donnant naissance à une biodiversité domestique qui constitue aujourd’hui un atout majeur de la sécurité alimentaire de l’humanité dans un contexte de changements globaux, climatiques, environnementaux et sociétaux.

Partant d’une réflexion sur la place des animaux dans le Code civil, Nadège Reboul-Maupin (professeur de droit privée à l’Université Paris Saclay) propose qu’entre les biens « la distinction fondamentale [se fasse] entre les biens inertes et les biens vivants ». Cette proposition est particulièrement intéressante car inscrire ce concept de « biens vivants » dans le Code civil lui donnerait assurément une forte valeur symbolique qui consacrerait le rôle d’intérêt général et l’importance fondamentale de l’agriculture et de l’agroalimentaire pour notre sécurité alimentaire. Une telle initiative serait primordiale dans un contexte de changement climatique impliquant à la fois une transition agroécologique, s’appuyant notamment sur la biodiversité domestique, et une transition alimentaire rendue possible par le maintien d’une production d’aliments naturels variés, d’origines animale et végétale, respectant nos besoins nutritionnels dans des régimes équilibrés. 

Partant de la place majeure du Code civil dans le droit français, les autres codes, la jurisprudence et la réglementation seraient ainsi amenés à préciser les mesures de protection dont doivent bénéficier les biens vivants dans leur ensemble et séparément. Vis-à-vis de l’animal, elle nous engage à l’essentiel : adapter les formes d’élevage pour prendre en compte les dernières connaissances scientifiques sur la sensibilité animale.

Pour en savoir plus :  https://www.academie-agriculture.fr/publications/publications-academie/points-de-vue/introduire-le-concept-de-biens-vivants-dans-le-code



Image by Ilo from Pixabay.

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