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Pas de nouvelle dérogation pour les néonicotinoïdes

Après la décision de la Cour de justice européenne, jeudi dernier, de n’autoriser aucune dérogation concernant les semences traitées aux néonicotinoïdes, le gouvernement français a finalement renoncé à autoriser par dérogation les néonicotinoïdes pour protéger les semences de betteraves sucrières qui doivent être plantées en mars.

Les néonicotinoïdes, insecticides qui s’attaquent au système nerveux des insectes, sont mis en cause dans le déclin massif des colonies d’abeilles. Plusieurs substances sont interdites dans l’UE depuis 2018, mais plusieurs pays ont accordé des dérogations pour préserver les rendements sucriers, ces insecticides permettant de lutter contre un puceron vecteur de la jaunisse de la betterave.

La France s’apprêtait à autoriser une nouvelle fois leur utilisation de manière dérogatoire pour la campagne 2023, après en avoir fait de même en 2021 et 2022. Un projet d’arrêté autorisant cette dérogation était en consultation publique, en attendant l’avis du conseil de surveillance des néonicotinoïdes.

« Je n’ai aucune intention de balader les agriculteurs et en particulier ceux qui sont inquiets, car c’est dans 4 à 6 semaines qu’ils vont prendre la décision d’implantation des semences », a déclaré le ministre de l’Agriculture lors d’un point presse à Paris.  Le gouvernement ne proposera donc pas une « troisième année de dérogation sur l’enrobage des semences de betteraves, c’est terminé pour cet élément-là, la décision de la Cour de justice (européenne) est suffisamment puissante pour ne pas instabiliser encore plus le système », a souligné Marc Fesneau.

« Il y aura des baisses de surface, des planteurs qui vont abandonner. Si c’est une année à faible pression (de jaunisse), on saura gérer, mais si c’est comme en 2020 où on a perdu un tiers de la récolte, ce sera catastrophique », a déclaré Franck Sander, le président de la Confédération générale des planteurs de betterave (CGB).

Marc Fesneau, qui s’était lui-même dit favorable à une « dernière année » de dérogation pour permettre à la filière de développer une solution alternative à ces substances, a tenté de rassurer producteurs et industriels du sucre, reçus lundi après-midi. « J’ai convenu avec les représentants de la filière qu’on mettrait en place un dispositif qui permettrait de couvrir le risque de pertes qui serait liée à la jaunisse, le temps qu’on trouve les alternatives dont on a besoin », a-t-il précisé.

Le ministre veut également « faire activer au niveau européen les clauses de sauvegarde pour qu’il n’y ait pas de distorsion de concurrence », alors que la France est le premier producteur européen de sucre.

En cas de jaunisse, la CGB réclame une indemnisation totale, sans franchise, sous peine de « mettre en danger toute la filière », des 24.000 producteurs jusqu’aux usines qui transforment les racines en sucre, en alcool ou en carburant bioéthanol.

La Ligue de protection des oiseaux (LPO) a salué lundi soir une « grande victoire pour la biodiversité » avec cette décision qui « témoigne que la protection de la biodiversité, le respect du droit européen et la garantie du revenu des agriculteurs peuvent être conciliés ».

«  Néonicotinoïdes: point final ! » s’est réjouie l’association Agir pour l’environnement, qui avait par deux fois porté ce combat contre les néonicotinoïdes devant le Conseil d’Etat, réclamant en vain leur interdiction totale.

Même revendication du côté de la Confédération paysanne qui réclame l’interdiction totale « dès maintenant » des néonicotinoïdes.

Ce n’est pas de néonicotinoïdes dont la filière betterave a besoin estime ce syndicat,  « mais d’une revalorisation du prix de la betterave par une protection économique des paysannes et paysans en prise directe avec des marchés libéralisés. »

Pour la Confédération paysanne, « les prévisions pour ce qui concerne la jaunisse de la betterave ne sont pas plus alarmistes que les années précédentes. Le recours systématique aux néonicotinoïdes n’est pas justifié. Ces produits sont dangereux pour les pollinisateurs et c’est notamment pour cette raison qu’ils ont été interdits. Revenir année après année sur cette interdiction est un renoncement à protéger les insectes, la biodiversité, notre environnement et notre santé. Cela doit s’arrêter. »

Le syndicat paysan dénonce « une course aux volumes -encouragée par les industriels –  sur les marchés européen et mondial par une baisse systématique des prix poussant à produire toujours plus et faisant croire ainsi aux paysans que c’est le rendement qui compte, avant le prix. » Ce qui fait dire au syndicat que « le revenu des producteurs de betteraves est bien plus affaibli par la dérégulation du secteur et donc la baisse significative des prix de la betterave depuis la fin des quotas que par la baisse des rendements causée par la jaunisse (…) »



Image by Arek Socha from Pixabay.

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