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Néonicotinoïdes. Pas de dérogation possible à l’interdiction de l’UE

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La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a jugé, ce jeudi 19 janvier, qu’aucune dérogation n’est possible à l’interdiction européenne des semences traitées aux néonicotinoïdes, y compris dans les circonstances exceptionnelles invoquées pour protéger les betteraves.

Saisie par des ONG et un apiculteur du cas de six dérogations adoptées à l’automne 2018 par la Belgique, concernant notamment les semences, la Cour de justice de l’UE (CJUE) les a jugées illégales. Les arrêts de la CJUE s’imposent aux juridictions des Vingt-Sept.

Cette décision survient quelques jours seulement avant la date du 24 janvier jusqu’à laquelle un projet d’arrêté du gouvernement français, publié sur le site du ministère de l’Agriculture, est mis à la consultation du public. Ce projet d’arrêté autorise au titre de la campagne 2023, et pour une durée de 120 jours, l’emploi de semences de betteraves sucrières traitées à l’imidaclopride ou au thiamethoxam (des néonicotinoïdes). Le texte devra ensuite faire l’objet d’un avis favorable du Conseil de surveillance des néonicotinoïdes avant d’être signé par le gouvernement. Mais, la réunion du Conseil français de surveillance des néonicotinoïdes, initialement prévue vendredi sur le sujet, a été reportée au 26 janvier.

Pour l’instant, le gouvernement qui pour l’instant n’a pas réagi sur le fond, utilisera ce délai « pour expertiser les conséquences juridiques de cette décision en droit français et les conséquences pour la campagne de production qui s’ouvre », a dit le ministère de l’Agriculture.

Certes, a jugé la Cour, une disposition permet aux États membres d’autoriser de façon dérogatoire et temporaire l’usage de pesticides contenant des substances bannies dans l’UE, mais cette disposition  « ne permet pas de déroger aux réglementations visant expressément à interdire la mise sur le marché et l’utilisation de semences traitées à l’aide de tels produits ».

Les États membres doivent privilégier les méthodes insecticides « à faible apport en pesticides », voire « non chimiques » quand c’est possible, et recourir aux « pratiques et produits présentant le risque le plus faible pour la santé humaine et l’environnement parmi ceux disponibles », souligne la Cour.

L’Union européenne a interdit depuis 2018 l’usage en plein champ, pour toutes les cultures, de trois néonicotinoïdes (clothianidine, thiaméthoxame et imidaclopride), accusés d’accélérer le déclin massif des colonies d’abeilles. Apparus dans les années 1990, ils protègent les betteraves de la jaunisse, transmise par les pucerons verts, en s’attaquant au système nerveux des insectes, donc des pollinisateurs. Même à faible dose, abeilles et bourdons sont désorientés, ne retrouvent plus leur ruche, le sperme des mâles est altéré…

De son côté,  la Confédération générale des planteurs de betteraves s’est insurgée immédiatement contre « La brutalité d’une telle décision, qui appliquée en l’état, risque d’entraîner des conséquences désastreuses et irréversibles dans nos territoires ruraux alors même que les politiques encouragent la souveraineté alimentaire/énergétique et la réindustrialisation de la France ».

Le directeur de PAN Europe, un réseau d’organisations non-gouvernementales européennes qui promeuvent l’adoption de solutions alternatives à l’utilisation des pesticides, Martin Dermine a salué « un grand jour pour les pollinisateurs en Europe », qui rappelle que « le droit doit primer sur les intérêts de l’industrie des pesticides ».

« La CJUE établit clairement que les substances interdites dans l’UE pour raisons sanitaires ou environnementales ne peuvent pas être réintroduites de manière détournée au niveau des États, une pratique devenue courante », observe l’avocat de l’ONG Antoine Bailleux.

Le gouvernement rappelle qu’un Plan national de recherche et d’innovation (PNRI) a été lancé au printemps 2021 pour trouver des solutions alternatives aux néonicotinoïdes, mais que les instances de ce PNRI considèrent qu’il n’existe pas encore de solutions « déployables à l’échelle de l’ensemble » des cultures betteravières, « même si certaines pistes sont prometteuses ».

Les néonicotinoïdes, des insecticides toxiques pour les abeilles

Disponibles depuis le milieu des années 1990, ces produits neurotoxiques (acétamipride, clothianidine, imidaclopride, thiaclopride, thiaméthoxame, nitenpyrame et dinotéfurane) sont des insecticides couramment utilisés dans le monde. Leurs effets sur l’environnement avaient conduit l’Union européenne à interdire en 2018 certaines substances.

S’ils peuvent être employés en pulvérisation, les néonicotinoïdes sont plus souvent utilisés de manière préventive, en enrobant les semences qui seront mises en terre, généralement en mars. Les utilisateurs mettent en avant que cet usage localisé permet d’éviter d’épandre des insecticides dans les champs à un stade plus avancé du développement des cultures. La substance, dite « systémique », est absorbée par la plante et se propage à tous ses tissus, y compris le pollen.

Betteraves, blé, colza, arbres fruitiers, vigne… Ils sont utilisés pour débarrasser les cultures des chenilles, cochenilles, pucerons ou insectes mangeurs de bois. Comme tout insecticide, à certaines doses, les néonicotinoïdes tuent les insectes, donc les abeilles.

Depuis les années 2000, des scientifiques s’inquiètent du fait que même à faible dose, ces substances qui s’attaquent au système nerveux des insectes, affectent les pollinisateurs (abeilles et bourdons désorientés, sperme des mâles altéré…).

Autre particularité: leur rémanence dans l’environnement. On peut en retrouver dans des plantes qui ne sont pas traitées, dans des plantes sauvages, des années après leur usage.

Des solutions alternatives aux néonicotinoïdes pour lutter contre la jaunisse dans les cultures de betteraves

Dans une mise à jour de son avis de 2018 sur les alternatives aux néonicotinoïdes, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) a identifié vingt-deux solutions pour lutter contre les pucerons et la maladie de la jaunisse dans les cultures de betteraves sucrières. Ces moyens de lutte pourraient prendre le relais des produits à base de néonicotinoïdes, interdits depuis 2018, mais dont l’utilisation a été réintroduite par dérogation en 2020 pour les traitements des semences de betteraves. Ces solutions alternatives qui présentent des efficacités correctes mais insuffisantes en utilisation seule, nécessiteront une approche de lutte intégrée pour atteindre une efficacité suffisante, voire une évolution des pratiques culturales.

En 2020, de fortes populations de pucerons vecteurs des virus de la jaunisse ont envahi les cultures de betteraves. Cette situation a conduit à l’utilisation par dérogation de produits à base de néonicotinoïdes pour l’enrobage des semences de betteraves, en l’absence d’autres moyens de lutte suffisamment efficaces pour cette filière. Afin d’éviter que les producteurs et l’industrie sucrière ne se retrouvent de nouveau confrontés aux conséquences de ce problème, l’Anses a été saisie par le ministère chargé de l’agriculture pour identifier des alternatives efficaces et disponibles pour réduire les populations de pucerons infestant la betterave sucrière.

Quatre solutions à court terme ont été identifiées : deux produits phytopharmaceutiques conventionnels à propriété insecticide et deux pratiques à mettre en œuvre dans les parcelles cultivées afin de réduire les populations de pucerons. Il s’agit pour ces dernières du paillage et de la fertilisation organique, afin de contrôler les apports d’azote.

En plus de ces solutions immédiatement utilisables, 18 autres moyens de lutte devraient être disponibles dans un délai de deux à trois ans. Certains produits phytopharmaceutiques utilisés pour d’autres cultures pourraient également bénéficier d’une extension d’usage de leurs autorisations de mise sur le marché.

La plupart des solutions alternatives considérées substituables aux néonicotinoïdes montrent des efficacités correctes mais insuffisantes, en utilisation seule, pour réduire les niveaux de dégâts à un seuil économique acceptable.

L’Anses recommande donc de soutenir l’effort de recherche et développement pour adapter les solutions identifiées sur d’autres cultures au cas de la betterave sucrière et tester des combinaisons de solutions dans une approche de lutte intégrée, ainsi qu’en matière d’épidémiosurveillance.  

Un éventail de moyens de lutte complémentaires

Pour identifier ces moyens de lutte, le groupe d’experts a analysé plus de 3 800 références de la littérature scientifique, constatant que peu de ces travaux se sont intéressés à la lutte contre les pucerons de la betterave. Les experts ont néanmoins identifié un panel de solutions techniques existantes ou à développer. « Les solutions identifiées sont de nature diverse. L’utilisation de plusieurs produits ou méthodes en association sera à envisager pour obtenir un niveau d’efficacité suffisant et éviter l’apparition de résistances chez les pucerons », précise Hervé Jactel, le président du groupe de travail en charge de l’expertise. Parmi les solutions, on trouve des produits phytopharmaceutiques de synthèse et d’origine naturelle, des microorganismes, des insectes prédateurs ou parasitoïdes des pucerons (les parasitoïdes pondent leurs œufs à l’intérieur des pucerons), des huiles végétales ou minérales, qui assurent une protection physique des betteraves, des méthodes de stimulation des défenses naturelles des plantes, la sélection de variétés de betteraves résistantes au virus de la jaunisse et enfin des méthodes culturales combinant la culture de la betterave avec d’autres plantes, dont la fonction est de réduire l’accès des pucerons aux plants de betterave ou de favoriser l’action des arthropodes prédateurs ou parasitoïdes des pucerons.

Des alternatives adaptées aux betteraves

Cette expertise vient compléter le rapport rendu par l’Anses en 2018 sur les alternatives aux néonicotinoïdes : « Dans le cadre de la première expertise, nous avions une vision d’ensemble, avec 130 usages analysés, explique Emmanuel Gachet, coordinateur scientifique de l’expertise et responsable de l’unité Expertise sur les risques biologiques du laboratoire de la Santé des végétaux de l’Anses. Ici, nous nous sommes concentrés sur les deux espèces de pucerons principalement responsables de la transmission des virus de la jaunisse, le puceron vert du pêcher (Myzus persicae) et le puceron noir de la fève (Aphis fabae) pour identifier des solutions rapidement disponibles pour la betterave sucrière. » Cette expertise s’est concentrée sur l’efficacité, la durabilité et l’opérationnalité des solutions alternatives. Certaines sont encore en cours de développement et, pour celles qui sont réglementées, n’ont pas encore été approuvées au niveau européen. L’Anses rappelle que préalablement à leur utilisation, les produits phytopharmaceutiques doivent faire l’objet d’une évaluation de leur efficacité et des risques pour la santé de l’Homme et l’environnement, y compris les pollinisateurs, avant l’éventuelle délivrance d’une autorisation de mise sur le marché pour l’usage concerné. Elle souligne également la nécessité d’envisager des combinaisons de solutions disponibles, dans une démarche agroécologique, et notamment avec une perspective de diversification des cultures.

Télécharger le rapport de l’Anses


Image by Myriams-Fotos from Pixabay.

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