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L’urgence c’est la rémunération du travail paysan

En Europe et en France, la colère des agriculteurs gronde. Si les raisons sont diverses, elles ont en commun les politiques agricoles et économiques guidées par la mise en concurrence et la pression sur la rémunération du travail

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Accablés par la hausse des coûts notamment des carburants, lassés par la faiblesse de leur revenu, les agriculteurs d’Europe laissent exploser leur colère. En Allemagne, en Angleterre, en Pologne, en Roumanie, en France les agriculteurs expriment aussi leur désarroi face aux exigences européennes et aux enjeux environnementaux.

Depuis l’automne, la grogne s’amplifie. Dans le Tarn, un mouvement, pacifique, de retournement des panneaux signalétiques des communes, a essaimé partout en France. Une façon de dire qu’«#On marche sur la tête». Et, comme en écho au mouvement des agriculteurs allemands, le ton s’est durci ces derniers jours, avec depuis jeudi soir en Occitanie le blocage de l’autoroute A64.

« Le coût de l’énergie a explosé, les coûts des intrants ont augmenté, tout comme ceux de la main-d’œuvre ou de l’alimentation animale. La guerre en Ukraine perturbe les flux avec des importations énormes en Europe de céréales, de volaille ou de sucre. Ça perturbe toutes les filières, ça fait baisser les prix », explique Christiane Lambert, présidente du Comité des organisations professionnelles agricoles de l’Union européenne.

En Allemagne, les manifestations des agriculteurs reprendront si le gouvernement n’amende pas son projet d’augmentation des taxes sur le diesel agricole qui ont entraîné une mobilisation massive de la profession, a prévenu Joachim Rukwied, président de l’Union des agriculteurs (DBV), lors d’une conférence de presse à Berlin. Les agriculteurs allemands se sont massivement mobilisés contre la réforme de la fiscalité sur le diesel agricole qui prévoit à partir de 2026 la suppression d’une exonération dont bénéficiait la profession.

Au Royaume-Uni, les producteurs de fruits et légumes britanniques manifestent pour protester contre les contrats d’achats « injustes » qui les lient aux six principales enseignes de la grande distribution du pays. Ils affirment que près de la moitié d’entre eux devront cesser leur activité dans les douze prochains mois à cause du manque de régulation dans le secteur agro-alimentaire. Ces agriculteurs réclament que les « big six » – Tesco, Sainsbury’s, Asda, Morrisons, Aldi et Lidl – respectent « sans exception » leurs engagements en termes de volumes de produits achetés et de prix. Pour les manifestants, seule une régulation forte imposée par le gouvernement peut permettre aux agriculteurs d’obtenir de meilleurs contrats avec la grande distribution.

Pour le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, « Ces mouvements ont tous les mêmes ferments: l’incompréhension grandissante entre la réalité de la pratique du métier d’agriculteur sur le terrain et les décisions administratives centralisées, qu’elles soient à Bruxelles ou dans les capitales européennes, qui créent une incompréhension majeure et finalement une sorte de révolte ».

« La pénibilité physique a laissé peu à peu la place à une pénibilité morale qui est due notamment à l’édiction de règles et de normes de plus en plus lourdes à supporter (…) à un moment donné la coupe déborde », a lancé samedi Etienne Gangneron, président de la chambre d’agriculture du Cher au ministre de l’Agriculture Marc Fesneau.

Deux façons identiques de décrire le désarroi des agriculteurs sans toutefois poser les questions de fond liées aux enjeux économiques et à l’indispensable transition agroécologique des modes de production. Pour la porte-parole de la Confédération paysanne, Laurence Marandola, éleveuse en Ariège, « La priorité des priorités c’est la rémunération des agriculteurs. Si ce levier-là est débloqué, les autres sujets comme l’accumulation des normes, le GNR, la MHE, ne seront plus des problèmes. Mais il faut complètement changer l’approche de la politique agricole et la politique économique. Il faut arrêter de se mettre en concurrence. »

Lire aussi le communiqué du MODEF : Agissons sur les prix agricoles

Autre enjeu qui milite en faveur d’un changement de politique agricole et de mode de production alimentaire, la préservation de la santé humaine et de la biodiversité. Or, un paradoxe gangrène le monde agricole. En maintenant des systèmes de productions dépendant des produits phytosanitaires, les agriculteurs sont les fantassins d’une guerre économique dirigée par les géants de la chimie et de l’agro-industrie qui met en danger la santé humaine à commencer par celle des paysans, et la fertilité même des sols qu’ils travaillent. Ce qui aboutit notamment au renouvellement de l’autorisation de l’herbicide glyphosate dont plusieurs études confirment qu’il est cancérogène…

De son côté, le premier ministre Gabriel Attal tente de calmer l’incendie en multipliant les rencontres et les annonces de simplification à défaut de remettre en cause les orientations de la PAC dont il est un serviteur zélé. « Nos agriculteurs ne sont pas des bandits, des pollueurs, des personnes qui torturent les animaux, comme on peut l’entendre parfois », a-t-il lancé samedi dans le Rhône.

Ainsi, dimanche, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau a annoncé un nouveau délai. Le texte, qui devait être présenté mercredi en Conseil des ministres, ne le sera que dans « quelques semaines » avec pour objectif d’être débattu au Parlement « au premier semestre 2024 ». Le projet de loi que doit présenter le gouvernement concerne le renouvellement des générations en agriculture, à l’heure où la population des près de 500.000 chefs d’exploitation vieillit. Il sera complété pour permettre une « simplification » du mille-feuille de réglementations imposées à la profession, a promis dimanche Marc Fesneau.

Pour la porte-parole de la Confédération paysanne, Laurence Marandola, le malaise est plus profond « il est le fruit de politiques successives et de choix dont celui de livrer l’agriculture à ces mécanismes de libre-échange qui mettent en concurrence les uns contre les autres alors qu’on est sur des territoires et sur des façons de produire différents. Il s’agit de revoir la politique agricole et ses règles économiques ».

Du côté de Bruxelles, une réunion des ministres de l’Agriculture est prévue en début de semaine.



Photo copie d’écran : https://twitter.com/humanite_fr

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