Quel tribunal devra demain juger celles et ceux qui ont participé au coup de force anti-démocratique pour faire passer une loi visant « à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » ?
Les protagonistes de cette machination ont construit à l’Assemblée nationale une majorité allant des macronistes à l’extrême droite pour rejeter leur propre texte, de telle sorte qu’il ne soit pas discuté, et pour le faire adopter « automatiquement » par un quarteron de sept députés et de sept sénateurs réunis en conclave baptisé poliment « commission mixte paritaire ».
Le menu de cette loi est une succession de poisons. Réintroduction de pesticides interdits, autorisation d’épandre par drone ces produits toxiques, allègement des normes pour faciliter l’élevage industriel et construire, au profit des plus gros agriculteurs, des méga bassines qui pompent l’eau des nappes phréatiques.
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La France qui, à deux reprises en 2020 et 2022, a soumis à la Commission européenne des données nouvelles justifiant l’interdiction du pesticide néonicotinoïde neurotoxique du nom d’acétamipride va donc ré-autoriser son utilisation.
Il convient de mesurer toute la nocivité et l’exceptionnelle gravité de cette décision.
Des travaux menés en Suisse ont montré que l’on retrouvait cette molécule dans le liquide céphalo-rachidien – qui baigne le cerveau et la moelle épinière – de treize enfants sur un échantillon de quatorze, testés en 2022. Des études similaires menées en Chine, aux États-Unis, au Japon ont confirmé ce diagnostic alarmant. Et, on constate désormais une augmentation de pathologies diverses comme la baisse de la fertilité, la hausse de certains cancers et de maladies neurodégénératives.
L’utilisation de ces substances est dangereuse pour la santé des paysans travailleurs et pour celle de leurs champs. L’acétamipride est si toxique qu’il tue les insectes utiles à la biodiversité. Tuer des pollinisateurs sur un champ de noisettes revient à réduire considérablement les rendements des parcelles de colza ou de céréales à proximité.
Par contre, le rendement des grandes firmes de l’agrochimie, lui, progresse à vue d’œil. Celles-ci organisent la dépendance des paysans travailleurs à leurs onéreux produits et empêchent la recherche de voies alternatives qui protègent la santé humaine, celle de la terre et de l’eau.
L’épandage de ces produits aujourd’hui aura des conséquences néfastes pour le sol, l’eau et donc dans nos corps qui se révéleront d’ici vingt ou trente ans.
La responsabilité du petit conclave de parlementaires se permettant aujourd’hui d’autoriser l’utilisation d’un tel poison relève à la fois du déni démocratique, du déni d’intérêt général et de l’écocide. Ils racontent la main sur le cœur qu’ils défendent le paysan, alors qu’ils l’enfoncent dans ses difficultés, pour nourrir les monstres de l’agrochimie et couvrir la pression à la baisse des prix agricoles.
Du reste, la fameuse proposition de loi dite « Duplomb » ne dit mot de la rémunération du travail. Elle est une grave atteinte à l’agriculture paysanne. Celle qui permet les installations de jeunes, celle qui relocalise des productions, celle qui respecte les sols et préserve la biodiversité, les ressources en eau. Celle qui crée les conditions d’une authentique souveraineté alimentaire. Si la cohorte des droites et des extrêmes droites avait le souci de lever les entraves au métier d’agriculteur, elle agirait pour que s’améliore les rémunérations du travail. Elle desserrerait l’étau des emprunts qui enserrent les corps des paysans, spoliés sans cesse par le complexe agro-alimentaire qui pompe la valeur dégagée par le travail.
Chacune et chacun d’entre nous doit avoir à l’esprit, en permanence, que sur le ticket de caisse, le prix de l’aliment est la part la moins importante. Le transport, la logistique, les emballages, les coûts de la transformation, la publicité et les frais financiers pèsent infiniment plus que la matière première agricole. Il convient d’ajouter que les coûts sanitaires pris en charge par la sécurité sociale et les coûts environnementaux, notamment la dépollution de l’eau induite par ces empoisonnements, s’élèvent, selon les calculs, entre 400 millions et 18 milliards d’euros.
Et que dire des souffrances endurées par celles et ceux qui contractent des maladies neurodégénératives ou des cancers liés aux herbicides et aux pesticides. En fait, contre la santé, l’écologie et le travail paysan, ce sont les « contraintes » à l’exploitation capitaliste que lèvent la loi « Duplomb » et ses complices. Pour être assurés de leur forfait, ils placent l’office français de la biodiversité (OFB) sous tutelle. Pour ne plus connaître les effets du mortel danger des pesticides, ils veulent supprimer l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).
Le tribunal de l’humanité jugera sévèrement cette forfaiture !
Image by Gerd Altmann from Pixabay.
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