Au cœur d'une région

Les cendres et les roseaux

« Vu du Béarn », la chronique d’Olivier Dartigolles. Morbihan, Finistère, Aveyron, Jura, Drôme, Maine-et-Loire, Isère, Vosges…la carte de France brûle. En Gironde, il était toujours là. Enfui dans la terre et la tourbe où la température peut atteindre les 300 degrés. Il était toujours là et il s’est de nouveau manifesté tel un monstre, avalant 7400 hectares supplémentaires dans les landes girondines, avec, depuis la mi-juillet, plus de 35 000 hectares de forêts et d’espaces végétaux partis en fumée lors de ce feu gigantesque. Plus rien ne sera comme avant. 

Alors les pompiers, les populations, les élus locaux et les bénévoles mobilisés pour organiser la solidarité humaine – notre société est belle et fraternelle dans de tels moments -, scrutent le ciel et espèrent la pluie. Que les orages d’été viennent enfin et qu’ils apportent un peu d’humidité. Mais sans la foudre. Ici, on a la connaissance de la forêt et de la météo. On sait qu’il faudra attendre les pluies d’automne pour véritablement en finir. Pour l’éteindre. Pour cette année…

Lors d’un plateau télé, j’ai pu m’entretenir avec Jean-Luc Gleyse, président du Département de la Gironde et du SDIS 33 (service départemental d’incendie et de secours). Sa parole est précise. Alors qu’il peut y avoir bien des « bavardages » et même des bêtises dans le traitement médiatique consacré aux incendies, l’élu dresse un diagnostic, pose des enjeux (à moyen et long terme) et avance des solutions. Au détour d’une phrase, il indique aussi qu’il n’a pas reçu de réponse à sa lettre ouverte de la mi-juillet à Emmanuel Macron, co-signée avec Xavier Fortinon, président du Département des Landes. 

Les deux élus ont pointé les limites du modèle de financement des SDIS, dont les ressources relèvent essentiellement des Départements, des établissements de coopérations intercommunales et des communes. L’assiette sur laquelle se fixe le financement des secours n’a pas évolué en 20 ans. Il s’agit, et en urgence, de refonder le modèle de protection civile français. L’autre question traitée dans cette lettre ouverte est le renforcement de la force aérienne nationale de la Sécurité civile. On le sait aujourd’hui : tout se joue dans notre capacité à intervenir rapidement, dès le feu naissant. Nous avons besoin d’appareils et d’en assurer la maintenance, de recruter des pilotes, d’améliorer les conditions de travail de ces pilotes, des techniciens et des agents de piste. Il n’est plus envisageable de ne pas avoir une flotte positionnée dans la Nouvelle-Aquitaine afin de protéger le massif forestier de résineux le plus important d’Europe.

Emmanuel Macron vient d’annoncer une réunion, à la rentrée, avec tous les acteurs concernés pour « ouvrir les travaux sur l’évolution du modèle de prévention et de lutte contre les incendies ». Il ne faudra pas une simple « communication », un nouveau grand débat-bla-bla, mais un véritable plan national, doté de moyens, d’objectifs précis, en capacité de mener les politiques publiques de prévention et de lutte répondant aux besoins pour l’homme, la nature et la biodiversité. Il y a tant à faire. Avec un compte-à-rebours climatique qui, lui, ne tergiverse pas. Il va très vite. 

Dans le « Journal du dimanche » de ce week-end, Jean-Luc Gleyse parle de résilience. Et d’espoir : « j’ai vu dans les cendres, déjà, des roseaux renaître ».


Photo @gironde

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