Par Nathalie Calmé
Face à la dégradation des services publics dans l’Allier, l’Union Départementale CGT a entrepris une démarche de reconquête. Après un an et demi de travail, elle publie un livret « Des services pour le développement de l’Allier », dans lequel elle dresse un état des lieux sans concession des services du département. Cette cartographie repose sur une démarche minutieuse : « Nous avons croisé les données de l’INSEE avec les retours des syndicats des différentes professions, des agents et des usagers, explique Laurent Indrusiak, secrétaire général de l’UD CGT. Chaque secteur a été passé en revue : effectifs, besoins de la population, évolution des dotations.
Le constat est sévère : « Tous les services n’ont cessé de subir des coups de rabot ! » tranche le syndicaliste, mais certains illustrent bien la situation : « Il y a encore dix ou quinze ans, le département comptait une trentaine de points d’accueil des finances publiques. Aujourd’hui, il n’en reste plus que trois : Montluçon, Moulins et Vichy », déplore-t-il. « Des habitants parcourent des dizaines de kilomètres, parfois des centaines, pour un simple renseignement cadastral ou pour payer leurs impôts ». Il en va de même pour la santé : « Nos trois grands hôpitaux connaissent des difficultés financières majeures. Des services entiers ont disparu, obligeant des patients à se rendre jusqu’à Clermont-Ferrand ou Vichy pour se faire soigner. » Pour la mobilité, autre secteur en tension, le bassin de Montluçon paie lourdement les réductions de l’offre ferroviaire. « Relier Montluçon à Paris prend aujourd’hui plus de temps qu’il y a quarante ans, et encore, quand il y a un train ! », ironise-t-il. Quant à la Poste, « des dizaines de bureaux ont fermé et ont été remplacés par des agences postales installées dans des commerces. Le service n’est pas du tout le même ».
Pour la CGT, ces fragilisations ne doivent rien au hasard. « C’est très clairement le résultat de choix politiques libérales, depuis le tournant de la rigueur en 1983, qui ont mis en concurrence les territoires, imposé la rentabilité aux hôpitaux, privilégié les grandes lignes ferroviaires au détriment des dessertes locales », dénonce-t-il. Et de poursuivre : « On nous répète que les services publics coûtent trop cher. C’est faux ! Notre rôle est d’expliquer, de déconstruire cette idée reçue. Lorsqu’on montre aux Bourbonnais – parfois victimes de désinformation à travers les grands médias – ce que coûte une privatisation ou ce que signifie une fermeture de service dans leur commune, ils comprennent et adhèrent à cette démonstration ».
Face à cette crise, le syndicat avance des solutions claires : « La première mesure, c’est le recrutement massif d’agents. La deuxième, c’est de redonner de vrais moyens financiers aux services publics, en renforçant le rôle des collectivités et des échelons locaux. Cela permettrait de ramener de la proximité dans les décisions et dans l’action. La troisième, c’est d’assumer une politique à rebours de ce qui a été mené depuis des décennies : réinvestir le territoire, rouvrir des services publics (la Poste, les hôpitaux, les gares…) dans les villes moyennes, les quartiers populaires, les campagnes, là où vivent les gens ».
Laurent Indrusiak considère que les élus sont des acteurs à part entière : « Eux-aussi subissent dans leurs communes les conséquences de la disparition des services publics. Certains se retrouvent face à leurs contradictions : ils ont parfois soutenu, via leur famille politique, les politiques libérales qui ont fragilisé les services, et constatent ensuite leur disparition sur leur propre territoire. Leur présence à nos réunions permet qu’ils entendent ce que vivent la population et les agents ».
La CGT entend également avancer avec les autres organisations syndicales. Des échanges réguliers existent déjà, notamment dans l’Éducation nationale ou sur les finances publiques avec Solidaires. « L’idée, c’est de bâtir des initiatives unitaires, d’élaborer des cahiers revendicatifs communs, interpeller ensemble les élus locaux ou les représentants de l’État »
Un autre point central du rapport concerne les collectivités locales. « Elles ont vu leurs dotations baisser en moyenne de 40 % ces dernières années. Alors que la décentralisation devait renforcer la proximité, elle a en réalité abouti à une recentralisation dans les grandes villes. Ce que nous demandons, c’est un vrai redéploiement des moyens là où on les a supprimés » Effectivement la question des financements revient sans cesse. Mais, pour la CGT, ce n’est pas un problème d’argent mais « de politique et de société » . « On nous explique que la France serait au bord de la faillite. Ce n’est pas vrai : notre pays reste la sixième ou septième puissance économique mondiale, souligne-t-il. Chaque année, près de 211 milliards d’euros d’aides publiques sont versés aux entreprises – certains parlent même de 270 milliards. Une partie de ces sommes pourrait être réorientée vers le financement des services publics ».
Le livret a été remis au préfet de l’Allier. Il doit servir à faire vivre le débat démocratique, sensibiliser la population et interpeller les décideurs. Ainsi, après deux premières étapes à Bourbon-l’Archambault et Commentry, la CGT va lancer un « village public » itinérant dans les grands bassins de vie du département et dans plusieurs petites commune ; l’objectif étant d’aboutir à l’organisation d’États généraux des services publics dans l’Allier.
Le syndicat refuse que l’Allier soit un territoire sacrifié. « Nous ne pouvons pas nous contenter d’être les spectateurs en désarroi d’un département en perte de vitesse, considéré comme un territoire de relégation des métropoles riches et attractives ». Le syndicaliste met en garde contre les dérives politiques que peut engendrer ce sentiment d’abandon. « La désespérance de ces territoires nourrit le terreau du vote d’extrême droite. Nous disons aux habitants : ne vous laissez pas emporter par de fausses solutions qui ne feront qu’accentuer le repli et la diminution de moyens pour le monde du travail ! ».
Télécharger le Livret « Des services pour le développement de l’Allier »




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