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Agricultrices. Ces inégalités qui freinent l’adaptation au changement climatique

À l’occasion du Salon de l’Agriculture, Oxfam France publie un rapport inédit sur la situation des femmes agricultrices en France. Ce rapport révèle que les inégalités femmes-hommes sont encore plus exacerbées dans l’agriculture que dans les autres secteurs professionnels.

La rémunération des agricultrices est inférieure de 29% à celle des agriculteurs et leur retraite est en moyenne de seulement 570 € mensuels, contre 840€ pour les hommes. Moins dotées en ressources et moins insérées dans le milieu, elles ont également moins de moyens pour faire face aux impacts du changement climatique. 

Et pourtant, davantage tournées vers des pratiques durables (bio, circuits courts, élevage extensif) que leurs homologues masculins, les agricultrices sont motrices dans la transition écologique du secteur agricole et son adaptation au changement climatique.

Des inégalités exacerbées dans tous les domaines

  • Des inégalités de revenus pire que dans les autres secteurs : les agricultrices gagnent en moyenne 29% de moins que les hommes, c’est ¼ de plus que dans les autres secteurs(1).
     
  • Des inégalités d’allocations de retraite : 570€ en moyenne pour les agricultrices contre 840€ pour les hommes(2).
     
  • Inégalités de statut : environ 132 200 femmes d’exploitants n’ont pas de statut qui permette de visibiliser leur action directe ou indirecte sur l’exploitation, bien qu’elles y jouent un rôle vital, soit environ 20% de l’ensemble des femmes travaillant dans le secteur agricole(3).

Des freins à l’installation et à la pérennité économique des agricultrices

Les agricultrices sont structurellement défavorisées par les contextes réglementaire et économique.

  • Elles bénéficient moins de la Dotation jeune agriculteur : en 2020, les femmes représentent près de 40% des personnes qui se sont installées en agriculture, mais seulement 23% sont bénéficiaires de la DJA(4).
     
  • Les prêts bancaires sont plus difficiles à obtenir chez les femmes que chez les hommes.
     
  • Les vendeurs ou bailleurs de terres potentiels sont plus défiants vis-à-vis des femmes; de nombreux témoignages issues de notre rapport viennent corroborer cette défiance qui se traduit par des refus de ventes ou de baux.
     
  • Les conditions d’attribution de la Politique Agricole Commune renforcent structurellement les inégalités de genre.. Ces aides favorisent les grandes exploitations conventionnelles dans lesquelles les hommes sont sur-représentés.
     
  • Les stéréotypes sexistes persistants et la charge domestique supérieure renforce ces logiques inégalitaires. Par exemple, 66% des agricultrices bio déclarent prendre en charge la totalité des tâches domestiques(5).

Les agricultrices moteur face au changement climatique

Les agricultrices sont proportionnellement plus présentes dans certaines cultures parmi les plus vulnérables aux effets du changement climatique, comme la viticulture et le maraîchage. 

Les inégalités auxquelles elles font face aggravent leur vulnérabilité car cela affecte directement leur capacité d’adaptation.” explique Quentin Ghesquière, chargé de campagne Agriculture chez Oxfam France

En parallèle, les agricultrices exercent dans des domaines et des conditions plus à même de répondre à l’urgence climatique. Elles sont plus présentes dans des petites exploitations (32%) que dans les moyennes et grandes (25%). Surtout, elles sont surreprésentées, en tant que cheffes d’exploitation dans les exploitations bio (46% contre 27% toutes exploitations confondues). Les exploitations gérées par des femmes aussi sont plus souvent tournées vers les circuits courts et la vente directe que celles gérées par des hommes(6).

Les profils des agricultrices sont également différents : plus diplômées et plus âgées, 60% des agricultrices bio sont non-issues du milieu agricole et pour un tiers d’entre elles, l’agriculture est une reconversion professionnelle(7).

Un criant manque de données genrées

La plupart des données disponibles ne permettent pas de bien identifier la nature et l’étendue des inégalités de genre dont sont victimes les agricultrices.

Une expérimentation du « Budget intégrant l’égalité » (BIE) » ou « Budget sensible au genre » pilotée par la direction du budget de Bercy et le secrétariat d’État chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes, à laquelle le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation s’est associé, a été menée sur 2018 et 2019. Le BIE avait pour objectif de vérifier comment l’argent public contribuait ou non à faire progresser l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Or, depuis, aucune mesure sensible au genre de la part du ministère n’a été recensée pour concrétiser cette expérimentation.

Un secteur en transformation

L’agriculture, secteur d’une part responsable de 20% des émissions de GES françaises(8), et d’autre part très vulnérable au changement climatique, est appelée à se transformer rapidement pour faire face à l’urgence. Les pratiques durables doivent être favorisées par des politiques sectorielles incitatives. Pour cela des données genrées fiables sont indispensables.

Lire le rapport d’Oxfam France


1) Statistique de la MSA, 2022.

2) Statistique de la MSA, 2019.

3) Statistique de la MSA, 2019.

4) GraphAgri’2022, service de la statistique agricole Agreste, ministère de l’Agriculture, de l’alimenation et de la souveraineté alimentaire.

5) Etude de la FNAB, 2019.

6) GraphAgri’2022, service de la statistique agricole Agreste, ministère de l’Agriculture, de l’alimenation et de la souveraineté alimentaire.

7) GraphAgri’2022, service de la statistique agricole Agreste, ministère de l’Agriculture, de l’alimenation et de la souveraineté alimentaire.

8) Rapport Secten 2022 du CITEPA.

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